Yves Philippe de Francqueville
Pirate des mots
et Philanalyste en herbe
vous propose en ligne
L'affaire du papyrus berbère
première partie : Tomas
Chapitre premier :
Vers le Toubkal,
Quatre mois plus tard…
un récit initiatique
chapitre par chapitre…
à découvrir chaque semaine
ou dans sa continuité, selon l'espace-temps !
Pirate des mots
et Philanalyste en herbe
vous propose en ligne
L'affaire du papyrus berbère
première partie : Tomas
Chapitre premier :
Vers le Toubkal,
Quatre mois plus tard…
un récit initiatique
chapitre par chapitre…
à découvrir chaque semaine
ou dans sa continuité, selon l'espace-temps !
Si vous n'avez pas lu le prologue… d'un clic découvrez-le : La Maison des Légendes
Un récit
autour et au-delà
du Cycle de l’Austrel :
Le Cycle de Thulé
Épisode 1
L’affaire
du papyrus berbère
Les amours
d’un autre monde
première partie
© Saint-Aël 2019
Traduit de l’américain
par Olam Salomon P.
Seconde version supervisée
par Yves Philippe de FRANCQUEVILLE,
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
autour et au-delà
du Cycle de l’Austrel :
Le Cycle de Thulé
Épisode 1
L’affaire
du papyrus berbère
Les amours
d’un autre monde
première partie
© Saint-Aël 2019
Traduit de l’américain
par Olam Salomon P.
Seconde version supervisée
par Yves Philippe de FRANCQUEVILLE,
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
à Montpellier, mmxix.
Imprimé pour le plaisir,
aux dépens de l'auteur,
sans l'approbation, ni les privilèges…
de ceux qui pensent être dépositaires
de la vérité et, donc, des pouvoirs…
D’après HÉRACLITE,
En relecture libérée de toute gravité :
« La dispute est mère de toute rencontre et de toute création »
Première partie :
Tomas
I. 9
Ce qui fut, cela sera, ce qui s'est fait, se refera,
il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
Extrait de L’Ecclésiaste, ou Qohelet
Ce qui fut, cela sera, ce qui s'est fait, se refera,
il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
Extrait de L’Ecclésiaste, ou Qohelet
chapitre premier :
Vers le Toubkal,
Quatre mois plus tard…
L’avion roule sur l’imposante piste, tracée au milieu du désert.
Il s’arrête sur le tarmac de l’aéroport d'Agadir-Al Massira.
Les modalités d’accueil sont plutôt rapides pour les trois touristes, et même sympathiques, surtout lorsque Yidir présente son passeport marocain.
Le capitaine des douanes est un cousin…
La famille Aït Oukaci est bien connue dans la ville, grâce notamment aux actions de l’oncle Issan, directeur du centre de recherche archéologique de la faculté et, surtout, comme délégué du Ministère de la Culture pour L’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (I.N.S.A.P.).
Il fait beaucoup parler de lui ces temps-ci, car les crédits généralement alloués à sa section n’ont pas été votés par le parlement.
Un taxi les emmène vers la ville…
Une petite demi-heure de trajet à discuter de la situation des troubles politiques, avec le chauffeur fort loquace.
Agadir souffre beaucoup des pressions islamistes venues de la capitale. Alors que la ville a besoin du tourisme pour vivre, les plages sont craintes ; et plus personne n’ose se baigner hors des piscines privées.
Les hôtels sont des ghettos à européens — surtout emplis par des Allemands — qui vivent en all inclusive sans rencontrer les natifs. Le commerce en pâtit et accentue cette crise économique et religieuse, qui n’est pas prête de finir.
Les jeunes partent ou se radicalisent…
Les vieux, comme toujours, se résignent : Inch Allah !
Le Maroc possède une terre très riche en histoire bien avant les conquêtes romaines, arabes, turques, puis franco-espagnoles et, de nouveau, arabes.
Le passé offre de nombreux domaines d’études ; hélas, les conflits internes se multiplient depuis une dizaine d’années, avec le forcing des islamistes pour limiter, voire interdire, les autorisations de fouilles.
La protection des sites préislamisques est de plus en plus aléatoire dans la région.
La menace, sans équivoque et pressante, des djihadistes de détruire les grandes pyramides d’Égypte, après l’explosion du Sphinx de Gizeh, crée une tension supplémentaire sur tous les pays à gouvernement religieux.
Malgré les appels au calme du roi, le climat social continue à se détériorer.
À la faculté, les étudiants se font rares dans la section historique, davantage par peur, que par manque de motivation.
La discussion se poursuit jusqu’à l’entrée de l’hôtel, avec Nancy qui s’inquiète :
— J’imagine ton oncle dans tous ses états ; j’espère qu’il pourra tout de même nous rencontrer afin de discuter un peu, notamment au sujet de mon livre.
— C’est prévu : il sera disponible et se réjouit de te faire ta connaissance, après notre balade…
— Si nous revenons vivants !
— Pour sûr !
Alors savourons notre dernière soirée et cette nuit, dans le luxe et la volupté.
Bravo pour l’Hôtel, Yidir ; tes relations sont précieuses !
Une suite familiale magnifique, avec vue sur l’océan…
Pause sympathique, avant de se rendre sur le port, et récupérer les motos.
Formalités rapides, tour de ville, et retour à l’hôtel : c’est l’heure pour les derniers préparatifs avant le départ de l’excursion, prévue le lendemain matin.
* * * * *
« 07 H 23 » sur le téléphone de Tomas.
Dans le salon de la suite, Tomas stoppe la sonnerie, tout en se levant du lit canapé.
Un rapide appel à la réception : le signal annonçant qu’il est prêt à recevoir le petit déjeuner commandé la veille. Dans la salle de bains, il se recoiffe devant la glace avec ses deux mains humides qu’il vient de laver, après avoir uriné.
Enfilant un peignoir sur son corps nu, il part réveiller en douceur Nancy et Yidir, toujours endormis dans la chambre.
La synchronisation est parfaite : on frappe à la porte.
Deux serveurs sont là, avec une table roulante chargée de grands plateaux garnis.
Nancy s’installe la première autour de la table ronde.
— Ah, les doux plaisirs de l’hôtel, avant la randonnée en montagne !
— Eh ! Profites en bien ma jolie, car après ce sera plutôt mode « stage commando » à manger des racines et boire ton urine…
— Cher Tomas, tu ne lui fais même pas peur !
Comme c’est toi qui as préparé les menus, comment s’inquiéter ?
J’ai pour souvenir que, même à plus de trois mille mètres, tu as toujours su nous émerveiller.
Le petit déjeuner est fort apprécié par les amis qui prennent leur temps pour savourer.
Quelques minutes s’écoulent encore, afin de parfaire les préparatifs.
Leurs bagages de touristes sont laissés en bonne garde à l’accueil, jusqu’au retour de la randonnée ; il est temps de mettre les sacs à dos, les casques sur la tête et de démarrer les motos.
Neuf heures…
Tomas est plutôt satisfait d’être dans les temps prévus.
Le soleil brille.
La route est belle.
Un trajet de près de deux-cent cinquante kilomètres, parcouru en un peu moins de trois heures, afin d’apprécier le paysage.
Les voici arrivés au pied du Toubkal, dans cette chaîne de montagnes singulières qu’est le massif du Haut Atlas : un espace unique, divisé par les Européens, qu’ils partagèrent à la règle sur une carte, entre l’Algérie et le Maroc.
Cela au prix de combien de familles séparées, de tribus brisées, en niant l’histoire de peuples nomades qui vivaient autrefois sans frontières ?
La route laisse place à encore quelques dizaines de kilomètres de pistes accessibles sans danger — sans abîmer le paysage — pour les motos électriques qui grimpent silencieusement jusqu’au dernier village.
Dans la maison d’un ami proche de la famille de Yidir, comme prévu, ils sont accueillis chaleureusement, avec un repas copieux.
Le temps raisonnable de la pause et de la rencontre…
Les trois motos sont confiées à l’hôte, puis sacs aux dos, l’aventure continue à pied.
Les plus beaux paysages du Haut Atlas se révèlent, pas après pas.
Au détour d’un sentier, à chaque nouveau col, c’est un univers très varié, proche des Hautes Pyrénées que Tomas connaît si bien.
Peu de gens croisés, mais toujours des échanges chaleureux et l’admiration partagée pour le cadre enchanteur, riche, très riche, en faune et en flore.
Deux heures trente de marche pour le premier jour, c’est amplement suffisant après le trajet du matin à moto.
La fatigue les gagne déjà.
C’est maintenant le temps de prendre plaisir à installer le bivouac, avant de profiter du coucher de soleil qui se cache bien vite, derrière un sommet.
Quelques pierres assemblées font un beau foyer. Avec le petit bois ramassé tout au long de la marche de l’après-midi, rapidement, un feu crépite dans le soir qui tombe.
Il fait presque froid hors de la tente.
Yidir débouche la bouteille de vin prévue pour le premier dîner : Volubilia cuvée 2016… un rouge élégant du domaine de la Zouina, près de Meknès et, bien entendu, du merveilleux site de Volubilis dont il aime tant parler. Elle fut achetée discrètement par Tomas, avec quelques autres, après des recherches passionnées, pour surprendre son ami.
La soirée sera plaisante.
Un repas de produits frais, tiré d’une des petites glacières solaires : c’est aussi agréable pour les yeux que pour le palais, alors que tous les trois s’installent sur le grand plaid épais, tissé de rouges et de bleus à la façon berbère.
Repus, ils s’allongent : le plaisir de profiter du feu et de la voûte étoilée, malgré le froid plus mordant.
Le ciel du Haut Atlas est libre de toute pollution lumineuse ; cela permet d’apprécier des constellations invisibles à l’œil nu, en d’autres lieux.
Bien vite, le sommeil gagne les corps : il faut rejoindre la tente.
Demain sera plus complexe.
Pour le second jour de marche, le paysage devient davantage escarpé, souvent désertique.
Les sentiers laissent place régulièrement à des sillons moins accessibles, ou même inexistants, exigeant de se repérer de cairn en cairn — ces petits tas de quelques cailloux superposés — que tous les randonneurs de hautes montagnes à travers le monde, connaissent.
Encore quelques dizaines de mètres avant un nouveau col. Ils s’arrêtent pour souffler : le besoin de se retourner devant ce fantastique paysage, qu’ils viennent de parcourir.
Alors qu’une petite pause est décidée, Yidir grimpe sur un rocher.
Devant Nancy et Tomas — tout sourire — il s'écrie, bras tendus à l’image de Léonardo Di Caprio dans Titanic, se prenant pour « le maître du Monde » :
— Bienvenus chez moi !
Dans ces paysages merveilleux !
À ce moment, une ombre se forme sur Nancy.
Elle lève la tête, découvrant un magnifique oiseau ; rapace majestueux qui tourne dans le ciel très bleu.
— Oh ! s’exclame la jeune femme, un gypaète !
— Un gypaète barbu… ne peut s’empêcher de préciser Tomas.
— Le seul barbu que j’apprécie de près.
Cette espèce est en voie d’extinction…
Hélas… et pas les autres !
— Pas faux, cher Yidir. Celui-là doit bien faire trois mètres d’envergure. Il est splendide.
Sincèrement, je pensais qu’il n’y en avait plus que dans les Pyrénées !
— Ah, ah… surpris n’est-ce pas ?
Et j’ai d’autres trésors à vous faire découvrir en Afrique !
— Je l’espère bien ! dit Nancy, en rangeant les thermos, Un oiseau d’une pareille envergure ! Je ne connaissais que les grands condors.
Nous en reparlerons…
Il est temps de repartir.
La météo est changeante : je crains la pluie pour ce soir.
La marche reprend.
Yidir continue à remplir son sac de chaque morceau de bois trouvé autour de lui.
— Pensons tous à ramasser la moindre brindille, car au prochain col, nous serons dans un désert de pierres.
Un feu ne serait pas du luxe pour ce soir.
Ils avancent doucement depuis quelques vingt minutes. Le ciel se couvre de nuages de plus en plus sombres.
L’orage gronde déjà au loin.
Ils arpentent un sentier étroit, contournent un bloc immense comme arraché à la montagne. Dans cette zone semi désertique, Nancy s’affaire à étudier la moindre petite plante, qui tente de survivre dans la caillasse.
Tomas crie :
— Attention Nancy, à ta gauche…
— Où ? Quoi ?
— Un lion magnifique…
Trop tard… il s’est envolé !
— Ah, réplique Yidir, gardant son sérieux, il doit être le dernier des grands de l’Atlas !
Je porte sa réplique sur ma chevalière. Il est de ma famille.
— De tes ancêtres même, je pense… à t’entendre rugir parfois, ose Tomas.
Dans les rires, un autre col est franchi.
C’est un nouveau paysage.
Quelques minutes de marche sur une roche à la couleur bleutée ; et cette fois encore, un cirque surprenant se présente devant eux.
Presque seize heures, l’orage se rapproche.
Le ciel s’assombrit. Il est grand temps de penser au bivouac.
Le vent se lève.
Petite pause.
Yidir se rapproche de Nancy, examinant la carte avec elle.
— Alors, ma chère, que proposes-tu ?
Je crains que nous ne puissions pas monter la tente, ce soir…
— Hum… pas de « Maison des Légendes » en vue ?
Que proposer ?
— Surtout pas de survie !
Qui souhaiterait vraiment descendre pour aller au refuge du Toubkal ?
— Sans voile, je risque d’être mal reçue…
— Nous de même, avec toi : j’ai ouïe dire que de plus en plus de lieux exigent des certificats de mariage, pour le couchage.
Tomas sifflote et reprend un air de Schmoll, le grand Eddy :
— Pas de Boogie Woogie avant la prière du soir.
Une grosse rafale fait siffler les pierres.
Tomas pose son sac et s’éloigne un peu.
— Il faut que j’aille pisser ; et pas sur mes pieds… C’est déjà la tempête.
— Hum, Tomas va-t-il comme toujours nous trouver la solution idéale ?
— C’est sa spécialité, Nancy, tu le sais bien : dès qu’il pisse, il a une nouvelle idée !
— Oui… oui… dès qu’il ouvre sa braguette, surtout !
— Ah, ah, ah… je vais le lui dire.
Non, en fait… c’est peut-être préférable de ne pas en ajouter : cela lui plairait trop !
Tomas tarde un peu.
Yidir et Nancy ont posé les sacs ; ils boivent quelques gorgées d’eau.
Encore quelques minutes et le voici de retour, lampe frontale allumée, frottant le bas de son pantalon ; il semble tout excité.
— Les amis…
— Tu vois, Yidir… il s’est uriné sur les pieds, en fait…
— Écoute, ma chère Nancy… un homme qui pisse debout se fait toujours un peu sur lui, surtout contre le vent… là n’est pas le problème !
Pour cette nuit… un simple coup de fil et… et…
Non, ah ah !
Je rigole, mais si vous n’avez pas peur des lions…
Je pense que j’ai trouvé mieux que le plus chic des palaces d’Agadir !
— Dis-nous tout, Tomas !
Tu as dragué un djinn des montagnes ?
— Sûrement… car je peux vous offrir une belle grande grotte toute jolie, à l’entrée pas trop compliquée, plutôt bien protégée des vents.
Nancy reprend la carte, Yidir à ses côtés.
— Je ne vois pas de grotte. Rien de notifié dans cette zone…
— Nancy a raison ; c’est étrange !
— « Une carte n’est pas le territoire » !
Korzybski a encore vu juste !
Qui m’aime, me suive.
Allez… il pleut presque.
Suivant les indications de Tomas, les trois se dirigent à quelques vingt mètres de là, vers une petite enclave en effet protégée des vents. C’est derrière un éboulis, face à ce qui semble être l’entrée d’une grotte, où Nancy s’arrête, arrivée la première.
Une cavité se présente, comme un petit hall, pouvant à peine les protéger tous les trois de la pluie.
Elle hésite encore à pénétrer dans l’étroit goulot.
— Tu es magicien, Tomas ! Pourtant… sais-tu vraiment ce qu’il y a derrière ce couloir de l’angoisse ?
— On va peut-être se poser là, dit Yidir, pas tant téméraire que Tomas.
— Surprise ! Entrez sans crainte…
Vous n’allez pas être déçus !
Vas-y, mon grand !
— Sans toi, la vie risquerait d’être monotone.
J’ose… si c’est aussi génial que tu le dis.
Devrons-nous signaler cette grotte aux autorités ? Ou la garder secrète ?
Juste pour nous ?
— Oh, c’est MA découverte !
Je vais lui donner mon nom… et Tomas, en guide solennel, accueille ses invités :
Mademoiselle, Monsieur, bienvenus ! Bienvenus dans la grotte « Tomas de Saint-Aël » !
— Bien, bien… chassez le naturel, il revient au galop : tu nous refais donc le coup de la colonisation ?
Je te signale que tu es sur MES terres !
— Ah, très fort, s’esclaffe Nancy, partant dans un éclat de rire délicieux, en effet, qui nous dit que cette grotte n’a pas déjà été habitée, bien avant que les cartographes ne tentent de classifier tout le territoire ?
— Regardez : il y a des signes gravés sur ce rocher !
C’est étrange…
Très géométrique, très net… trop précis :
Dans le salon de la suite, Tomas stoppe la sonnerie, tout en se levant du lit canapé.
Un rapide appel à la réception : le signal annonçant qu’il est prêt à recevoir le petit déjeuner commandé la veille. Dans la salle de bains, il se recoiffe devant la glace avec ses deux mains humides qu’il vient de laver, après avoir uriné.
Enfilant un peignoir sur son corps nu, il part réveiller en douceur Nancy et Yidir, toujours endormis dans la chambre.
La synchronisation est parfaite : on frappe à la porte.
Deux serveurs sont là, avec une table roulante chargée de grands plateaux garnis.
Nancy s’installe la première autour de la table ronde.
— Ah, les doux plaisirs de l’hôtel, avant la randonnée en montagne !
— Eh ! Profites en bien ma jolie, car après ce sera plutôt mode « stage commando » à manger des racines et boire ton urine…
— Cher Tomas, tu ne lui fais même pas peur !
Comme c’est toi qui as préparé les menus, comment s’inquiéter ?
J’ai pour souvenir que, même à plus de trois mille mètres, tu as toujours su nous émerveiller.
Le petit déjeuner est fort apprécié par les amis qui prennent leur temps pour savourer.
Quelques minutes s’écoulent encore, afin de parfaire les préparatifs.
Leurs bagages de touristes sont laissés en bonne garde à l’accueil, jusqu’au retour de la randonnée ; il est temps de mettre les sacs à dos, les casques sur la tête et de démarrer les motos.
Neuf heures…
Tomas est plutôt satisfait d’être dans les temps prévus.
Le soleil brille.
La route est belle.
Un trajet de près de deux-cent cinquante kilomètres, parcouru en un peu moins de trois heures, afin d’apprécier le paysage.
Les voici arrivés au pied du Toubkal, dans cette chaîne de montagnes singulières qu’est le massif du Haut Atlas : un espace unique, divisé par les Européens, qu’ils partagèrent à la règle sur une carte, entre l’Algérie et le Maroc.
Cela au prix de combien de familles séparées, de tribus brisées, en niant l’histoire de peuples nomades qui vivaient autrefois sans frontières ?
La route laisse place à encore quelques dizaines de kilomètres de pistes accessibles sans danger — sans abîmer le paysage — pour les motos électriques qui grimpent silencieusement jusqu’au dernier village.
Dans la maison d’un ami proche de la famille de Yidir, comme prévu, ils sont accueillis chaleureusement, avec un repas copieux.
Le temps raisonnable de la pause et de la rencontre…
Les trois motos sont confiées à l’hôte, puis sacs aux dos, l’aventure continue à pied.
Les plus beaux paysages du Haut Atlas se révèlent, pas après pas.
Au détour d’un sentier, à chaque nouveau col, c’est un univers très varié, proche des Hautes Pyrénées que Tomas connaît si bien.
Peu de gens croisés, mais toujours des échanges chaleureux et l’admiration partagée pour le cadre enchanteur, riche, très riche, en faune et en flore.
Deux heures trente de marche pour le premier jour, c’est amplement suffisant après le trajet du matin à moto.
La fatigue les gagne déjà.
C’est maintenant le temps de prendre plaisir à installer le bivouac, avant de profiter du coucher de soleil qui se cache bien vite, derrière un sommet.
Quelques pierres assemblées font un beau foyer. Avec le petit bois ramassé tout au long de la marche de l’après-midi, rapidement, un feu crépite dans le soir qui tombe.
Il fait presque froid hors de la tente.
Yidir débouche la bouteille de vin prévue pour le premier dîner : Volubilia cuvée 2016… un rouge élégant du domaine de la Zouina, près de Meknès et, bien entendu, du merveilleux site de Volubilis dont il aime tant parler. Elle fut achetée discrètement par Tomas, avec quelques autres, après des recherches passionnées, pour surprendre son ami.
La soirée sera plaisante.
Un repas de produits frais, tiré d’une des petites glacières solaires : c’est aussi agréable pour les yeux que pour le palais, alors que tous les trois s’installent sur le grand plaid épais, tissé de rouges et de bleus à la façon berbère.
Repus, ils s’allongent : le plaisir de profiter du feu et de la voûte étoilée, malgré le froid plus mordant.
Le ciel du Haut Atlas est libre de toute pollution lumineuse ; cela permet d’apprécier des constellations invisibles à l’œil nu, en d’autres lieux.
Bien vite, le sommeil gagne les corps : il faut rejoindre la tente.
Demain sera plus complexe.
Pour le second jour de marche, le paysage devient davantage escarpé, souvent désertique.
Les sentiers laissent place régulièrement à des sillons moins accessibles, ou même inexistants, exigeant de se repérer de cairn en cairn — ces petits tas de quelques cailloux superposés — que tous les randonneurs de hautes montagnes à travers le monde, connaissent.
Encore quelques dizaines de mètres avant un nouveau col. Ils s’arrêtent pour souffler : le besoin de se retourner devant ce fantastique paysage, qu’ils viennent de parcourir.
Alors qu’une petite pause est décidée, Yidir grimpe sur un rocher.
Devant Nancy et Tomas — tout sourire — il s'écrie, bras tendus à l’image de Léonardo Di Caprio dans Titanic, se prenant pour « le maître du Monde » :
— Bienvenus chez moi !
Dans ces paysages merveilleux !
À ce moment, une ombre se forme sur Nancy.
Elle lève la tête, découvrant un magnifique oiseau ; rapace majestueux qui tourne dans le ciel très bleu.
— Oh ! s’exclame la jeune femme, un gypaète !
— Un gypaète barbu… ne peut s’empêcher de préciser Tomas.
— Le seul barbu que j’apprécie de près.
Cette espèce est en voie d’extinction…
Hélas… et pas les autres !
— Pas faux, cher Yidir. Celui-là doit bien faire trois mètres d’envergure. Il est splendide.
Sincèrement, je pensais qu’il n’y en avait plus que dans les Pyrénées !
— Ah, ah… surpris n’est-ce pas ?
Et j’ai d’autres trésors à vous faire découvrir en Afrique !
— Je l’espère bien ! dit Nancy, en rangeant les thermos, Un oiseau d’une pareille envergure ! Je ne connaissais que les grands condors.
Nous en reparlerons…
Il est temps de repartir.
La météo est changeante : je crains la pluie pour ce soir.
La marche reprend.
Yidir continue à remplir son sac de chaque morceau de bois trouvé autour de lui.
— Pensons tous à ramasser la moindre brindille, car au prochain col, nous serons dans un désert de pierres.
Un feu ne serait pas du luxe pour ce soir.
Ils avancent doucement depuis quelques vingt minutes. Le ciel se couvre de nuages de plus en plus sombres.
L’orage gronde déjà au loin.
Ils arpentent un sentier étroit, contournent un bloc immense comme arraché à la montagne. Dans cette zone semi désertique, Nancy s’affaire à étudier la moindre petite plante, qui tente de survivre dans la caillasse.
Tomas crie :
— Attention Nancy, à ta gauche…
— Où ? Quoi ?
— Un lion magnifique…
Trop tard… il s’est envolé !
— Ah, réplique Yidir, gardant son sérieux, il doit être le dernier des grands de l’Atlas !
Je porte sa réplique sur ma chevalière. Il est de ma famille.
— De tes ancêtres même, je pense… à t’entendre rugir parfois, ose Tomas.
Dans les rires, un autre col est franchi.
C’est un nouveau paysage.
Quelques minutes de marche sur une roche à la couleur bleutée ; et cette fois encore, un cirque surprenant se présente devant eux.
Presque seize heures, l’orage se rapproche.
Le ciel s’assombrit. Il est grand temps de penser au bivouac.
Le vent se lève.
Petite pause.
Yidir se rapproche de Nancy, examinant la carte avec elle.
— Alors, ma chère, que proposes-tu ?
Je crains que nous ne puissions pas monter la tente, ce soir…
— Hum… pas de « Maison des Légendes » en vue ?
Que proposer ?
— Surtout pas de survie !
Qui souhaiterait vraiment descendre pour aller au refuge du Toubkal ?
— Sans voile, je risque d’être mal reçue…
— Nous de même, avec toi : j’ai ouïe dire que de plus en plus de lieux exigent des certificats de mariage, pour le couchage.
Tomas sifflote et reprend un air de Schmoll, le grand Eddy :
— Pas de Boogie Woogie avant la prière du soir.
Une grosse rafale fait siffler les pierres.
Tomas pose son sac et s’éloigne un peu.
— Il faut que j’aille pisser ; et pas sur mes pieds… C’est déjà la tempête.
— Hum, Tomas va-t-il comme toujours nous trouver la solution idéale ?
— C’est sa spécialité, Nancy, tu le sais bien : dès qu’il pisse, il a une nouvelle idée !
— Oui… oui… dès qu’il ouvre sa braguette, surtout !
— Ah, ah, ah… je vais le lui dire.
Non, en fait… c’est peut-être préférable de ne pas en ajouter : cela lui plairait trop !
Tomas tarde un peu.
Yidir et Nancy ont posé les sacs ; ils boivent quelques gorgées d’eau.
Encore quelques minutes et le voici de retour, lampe frontale allumée, frottant le bas de son pantalon ; il semble tout excité.
— Les amis…
— Tu vois, Yidir… il s’est uriné sur les pieds, en fait…
— Écoute, ma chère Nancy… un homme qui pisse debout se fait toujours un peu sur lui, surtout contre le vent… là n’est pas le problème !
Pour cette nuit… un simple coup de fil et… et…
Non, ah ah !
Je rigole, mais si vous n’avez pas peur des lions…
Je pense que j’ai trouvé mieux que le plus chic des palaces d’Agadir !
— Dis-nous tout, Tomas !
Tu as dragué un djinn des montagnes ?
— Sûrement… car je peux vous offrir une belle grande grotte toute jolie, à l’entrée pas trop compliquée, plutôt bien protégée des vents.
Nancy reprend la carte, Yidir à ses côtés.
— Je ne vois pas de grotte. Rien de notifié dans cette zone…
— Nancy a raison ; c’est étrange !
— « Une carte n’est pas le territoire » !
Korzybski a encore vu juste !
Qui m’aime, me suive.
Allez… il pleut presque.
Suivant les indications de Tomas, les trois se dirigent à quelques vingt mètres de là, vers une petite enclave en effet protégée des vents. C’est derrière un éboulis, face à ce qui semble être l’entrée d’une grotte, où Nancy s’arrête, arrivée la première.
Une cavité se présente, comme un petit hall, pouvant à peine les protéger tous les trois de la pluie.
Elle hésite encore à pénétrer dans l’étroit goulot.
— Tu es magicien, Tomas ! Pourtant… sais-tu vraiment ce qu’il y a derrière ce couloir de l’angoisse ?
— On va peut-être se poser là, dit Yidir, pas tant téméraire que Tomas.
— Surprise ! Entrez sans crainte…
Vous n’allez pas être déçus !
Vas-y, mon grand !
— Sans toi, la vie risquerait d’être monotone.
J’ose… si c’est aussi génial que tu le dis.
Devrons-nous signaler cette grotte aux autorités ? Ou la garder secrète ?
Juste pour nous ?
— Oh, c’est MA découverte !
Je vais lui donner mon nom… et Tomas, en guide solennel, accueille ses invités :
Mademoiselle, Monsieur, bienvenus ! Bienvenus dans la grotte « Tomas de Saint-Aël » !
— Bien, bien… chassez le naturel, il revient au galop : tu nous refais donc le coup de la colonisation ?
Je te signale que tu es sur MES terres !
— Ah, très fort, s’esclaffe Nancy, partant dans un éclat de rire délicieux, en effet, qui nous dit que cette grotte n’a pas déjà été habitée, bien avant que les cartographes ne tentent de classifier tout le territoire ?
— Regardez : il y a des signes gravés sur ce rocher !
C’est étrange…
Très géométrique, très net… trop précis :
— Incroyable !
Viens voir, Yidir, c’est probablement du proto-libyque !
Je n’en avais jamais vu auparavant !
Je peux maintenant vous assurer que ce lieu n’a pas été répertorié…
Les islamistes auraient déjà fait exploser l’ensemble !
— Génial !
C’est vraiment intéressant !
Oui…
Cette gravure est fort fort ancienne ; donc comme je suis un natif des lieux, la grotte est déclaré par moi-même, comme sacrée !
J’hésite grave à vous laisser entrer dans un tel sanctuaire ; ou alors, je vous prie de bien vouloir vous prosterner, et remercier les dieux très anciens de vous offrir exceptionnellement l’asile pour la nuit.
— Bon, vieux Yidir, pour descendre, c’est à quatre pattes qu’il faut le faire…
Nous allons bien nous incliner, tous les trois…
N’oublie pas que j’ai moi-même des ancêtres venus d’Afrique, au trente-troisième degré, si ma mémoire est bonne !
Alors, alors, mon nom sera parfait pour honorer cette grotte, où mes nobles aïeux ont certainement œuvré pour l’art et la science !
— Facile raccourci ; nous venons tous d’Afrique, berceau de l’humanité.
N’est-ce pas, Nancy ?
— Pas certain, Yidir, pas certain…
N’oublie pas que je viens des Amériques. Et…
— Et ce serait bien d’entrer… de discuter généalogie en bas : il commence à pleuvoir sérieux !
Tomas, prenant la tête du cortège, entame la descente d’un étroit goulot, sur une petite dizaine de mètres.
Viens voir, Yidir, c’est probablement du proto-libyque !
Je n’en avais jamais vu auparavant !
Je peux maintenant vous assurer que ce lieu n’a pas été répertorié…
Les islamistes auraient déjà fait exploser l’ensemble !
— Génial !
C’est vraiment intéressant !
Oui…
Cette gravure est fort fort ancienne ; donc comme je suis un natif des lieux, la grotte est déclaré par moi-même, comme sacrée !
J’hésite grave à vous laisser entrer dans un tel sanctuaire ; ou alors, je vous prie de bien vouloir vous prosterner, et remercier les dieux très anciens de vous offrir exceptionnellement l’asile pour la nuit.
— Bon, vieux Yidir, pour descendre, c’est à quatre pattes qu’il faut le faire…
Nous allons bien nous incliner, tous les trois…
N’oublie pas que j’ai moi-même des ancêtres venus d’Afrique, au trente-troisième degré, si ma mémoire est bonne !
Alors, alors, mon nom sera parfait pour honorer cette grotte, où mes nobles aïeux ont certainement œuvré pour l’art et la science !
— Facile raccourci ; nous venons tous d’Afrique, berceau de l’humanité.
N’est-ce pas, Nancy ?
— Pas certain, Yidir, pas certain…
N’oublie pas que je viens des Amériques. Et…
— Et ce serait bien d’entrer… de discuter généalogie en bas : il commence à pleuvoir sérieux !
Tomas, prenant la tête du cortège, entame la descente d’un étroit goulot, sur une petite dizaine de mètres.
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pour me contacter : yvesdefrancqueville@yahoo.fr
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L'affaire du papyrus berbère est un récit initiatique, première partie des Amours d'un autre monde, épisode 1 du Cycle de Thulé des écrits de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste en herbe.
tous droits réservés ©.
Toute phrase sortie de son contexte pour un usage fallacieux sera considérée comme acte détestable de manipulation et sera rejetée par l'auteur qui accueille la légitimité de cet écrit uniquement reçu dans son intégralité.
Si le nom de l'auteur Yves Philippe de Francqueville apparaît souvent, c'est pour donner de l'aisance aux moteurs de recherche…
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Vers le Toubkal,
Quatre mois plus tard…
de la première partie
Tomas
du livre
L'affaire du papyrus berbère
écrit par Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste en herbe.
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